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fiscalité & réglementation immobilière Les familles et leur patrimoine
Édito

Etat des lieux sur la location meublée !

(photo : Miniature Land)

Les travaux parlementaires relatifs au projet de loi de finances 2024 battent leur plein.

Or, dans un contexte de raréfaction des logements… ce qui devait arriver arriva !

En effet, à la suite d’un amendement récemment déposé sur le projet initial, le régime fiscal de la location meublée est sur la sellette.

Aussi, avant de savoir ce que donnera le texte définitif, profitons-en pour refaire un tour du propriétaire.

Visitons de l’intérieur ce fameux régime.

Et notamment, l’incontournable « LMNP », actuellement dans toutes les bouches.

Etat des lieux.

Pour cela, laissons-nous guider par Maître Charlotte Pessey, notaire au sein de notre pôle Ingénierie Patrimoniale

Elle est plus spécialement en charge des opérations de gestion privée.

Car dans son quotidien,

  • optimiser l’acquisition,
  • la détention,
  • et la transmission anticipée d’un patrimoine locatif,

constitue l’un de ses fréquents défis.

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D'abord, la location meublée, c'est quoi ?
C'est louer des meubles ?

Non !

Ou pas que.

C’est la mise à disposition d’un local d’habitation, garni des meubles indispensables à une occupation normale par le locataire.

Un décret de 2015 dresse la liste des éléments que DOIT contenir le logement pour que la location soit qualifiée de meublée :

  • literie,
  • rideaux,
  • plaques de cuisson,
  • four ou four à micro-ondes,
  • réfrigérateur et congélateur,
  • vaisselle, ustensiles de cuisine, table et sièges,
  • étagères de rangement,
  • luminaires et matériel d’entretien / ménage.

L’inventaire de ce mobilier doit être annexé au bail (= le contrat de location).

D'accord.
Mais une fois meublé comme il se doit, comment sont taxés les loyers perçus tirés d'un tel local ?

C’est là tout le secret :

Car la location meublée, juridiquement, n’est pas une entreprise. Il s’agit seulement d’une gestion patrimoniale.

Mais sur le plan fiscal, elle est analysée comme une activité commerciale.

Cette différence de qualification impacte le régime fiscal applicable.

Au sein des catégories de revenus dans l’IR, les loyers d’immeubles nus relèvent du régime des revenus fonciers.

Or, le revenu net foncier est obtenu en déduisant des recettes certaines charges : mais rares sont celles éligibles à cette déduction (l’article 31 du CGI est à la fois rigoureux, et trop flou).

De ce fait, la ponction sur les loyers nus peut devenir très lourde : l’assiette est large, et le taux d’impôt (tranches progressives d’IR), accru des prélèvements sociaux, peut grimper très haut !

Ce constat entraine de nombreux contribuables à se tourner vers la location meublée. Car elle permet de passer à une comptabilité commerciale.

Qu'est-ce que ça peut bien changer ?

Beaucoup !

En tous cas jusqu’à présent..

Car ce faisant, on devient apte à pratiquer, en cas d’option pour le régime réel d’imposition, des charges liées à l’amortissement des moyens d’exploitation (murs & meubles).

Ces charges sont fiscalement déductibles du chiffre d’affaire.

Vu le prix moyen des murs, pouvoir ainsi imputer chaque année un pourcentage de leur prix d’acquisition, représente une déduction importante.

Peu ou prou, ceci revient à déduire de l’assiette de ses revenus, le coût d’achat du capital qui a été nécessaire à la création de ces revenus.

Et voilà les revenus issus de la location meublée, intégrés à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) !

Chose officielle depuis la loi de finances 2016.

 

D'accord.
Mais le droit fiscal distingue deux statuts : loueur pro ou non.
Quelle est la distinction entre un loueur meublé professionnel (LMP),
et un loueur en meublé non professionnel (LMNP) ?

Deux critères cumulatifs sont à remplir pour basculer dans le statut LMP :

  • Les recettes annuelles retirées de la location meublée doivent excéder 23 000,00 €.
  • Ces recettes doivent être supérieures aux autres revenus professionnels des membres du foyer fiscal.

Si les 2 critères sont atteints, le statut s’impose d’office (il n’est plus optionnel, depuis 2009).

Mais si ces 2 paramètres ne sont pas cumulativement remplis, alors l’activité est exercée à titre non professionnel.

Et ça change quoi ?
Les règles en matière d'IFI par exemple ?

Oui, dans certains cas le statut LMP peut permettre de soustraire le bien de l’assiette concernée par l’IFI (impôt sur la fortune immobilière).

Mais il convient d’être vigilant :

Car les critères permettant cette exonération au titre des biens professionnels, sont plus stricts que ceux qualifiant le statut.

En effet, pour l’IFI, il convient de raisonner d’après le résultat annuel imposable (et non d’après les recettes).

Qu’est-ce que ça signifie, concrètement ?

Tout simplement ceci : pour que la valeur du bien échappe à l’IFI, il faut

  • non seulement que le bénéfice net, après déduction des charges et amortissements, excède encore la ligne des 50% de l’ensemble des revenus professionnel du foyer fiscal,
  • mais également, que l’activité soit réellement exercée à titre principal.
Et la fiscalité du loueur en meublé non pro alors ? Le fameux LMNP ?

Elle se subdivise en 2 régimes distincts :

Le régime micro BIC :

Le bailleur y est soumis, sauf option contraire, quand le montant des loyers annuels ne dépasse pas un certain seuil (77 700 euros pour 2023). Ce régime qui a l’avantage d’être simple, avec un abattement forfaitaire de 50% sans justificatifs.

Le régime réel :

Il s’impose aux loyers annuels supérieurs à 77 k€ ; mais il peut aussi être volontairement choisi en présence de loyers inférieurs.

Il est certes plus contraignant, et oblige à la tenue d’une comptabilité fine.

Mais son avantage est de permettre à l’exploitant de déduire de la base d’imposition une perte annuelle purement comptable (non subie financièrement) évoquée plus haut : l’amortissement des moyens affectés à l’exploitation (en l’occurrence, les immeubles bâtis affectés à la location).

Attention, l’amortissement ne peut avoir pour effet de créer un déficit.

En d’autres termes, si les charges déductibles sont déjà supérieures au montant des loyers, la déduction au titre de l’amortissement ne peut être opérée.

Est-il perdu ?

Non ! Il sera alors « comptablement conservé » sans limitation de durée, afin d’être utilisé lorsque le résultat sera redevenu bénéficiaire (en fin de cycle d’amortissement, par exemple).

Et les déficits induits par les "vraies" charges financières ? Si l'on ne peut tous les déduire au titre de l'exercice, que deviennent-ils ?

Si je suis LMNP, ce déficit ne peut être imputé sur mon revenu global, mais il pourra l’être sur mes revenus de même catégorie, pendant 10 ans.

Alors que si je suis LMP, le déficit pourra être imputé sur mon revenu global, sans plafond.

Et si ce revenu global est insuffisant, l’excédent de déficit peut être reporté pendant 6 ans, sur mon RG des exercices suivants.

Impôt sur les revenus locatifs, impôt sur la fortune...
Mais quid de l'impôt de plus-value, en cas de revente ?

Là encore, faisons la différence.

  • Si je suis LMP

  • je relève du régime de l’impôt sur la plus-value des professionnels : le montant de la plus-value correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable de l’immobilisation (valeur d’entrée dans le patrimoine diminuée du montant des amortissements). De ce fait, mes amortissements sont réintroduits dans la base de taxation
  • si je suis LMNP

  • c’est (pour l’instant, mais attention aux réformes annoncées) tout simplement le régime des +values des particuliers. Il est assez favorable :  réévaluation du prix de revient, non prise en compte des amortissements, base nette encore réduite d’un abattement en fonction de la durée de détention (à ce jour, au bout de 30 ans, exonération totale).
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin ! Un mot sur la TVA immobilière, pour être complets ?

Par principe, la location meublée est exonérée de TVA, qu’elle soit pro ou non pro.

Le CGI prévoit cependant que les bailleurs sont imposables à la TVA s’ils offrent, en plus de la mise à disposition du logement meublé, au moins trois des prestations para-hôtelières suivantes :

  • le petit déjeuner,
  • le nettoyage régulier des locaux,
  • la fourniture de linge de maison,
  • et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Est-ce un problème ?

Pas forcément, et certains recherchent au contraire cet assujettissement.

Car certes, la gestion comptable s’en trouve encore complexifiée. Mais si je suis assujetti, je pourrai déduire de la TVA collectée sur les loyers, celle que j’avais payée lors de l’acquisition du bien, ou celle acquittée dans le cadre de dépenses de travaux.

Précision capitale :

Ces prestations doivent être rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergements à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

A cet égard, les tribunaux ont rappelé que le bailleur doit réellement fournir au moins trois des quatre prestations sus-énoncées, et non pas seulement être en mesure de les fournir.

Coup de théâtre

Sachant que le 5 juillet 2023, un arrêt du Conseil d’Etat a considéré que ces critères fiscaux n’étaient, en réalité, pas compatibles avec le droit de l’Union européenne, lequel d’ailleurs va évoluer avec une directive en préparation. Et l’article voulu du CGI devrait être lui aussi revu et corrigé dans la LF 2024, pour s’adapter à cette jurisprudence.

 

Allons-nous vers un grand chambardement de la fiscalité
des revenus meublés ?

Tout est relatif.

Le texte définitif du PLF 2024 va moins loin que les amendements initiaux.

Mais au regard des récents débats et annonces gouvernementales, il est probable qu’une large part du régime fiscal de la location meublée soit remise sur la table.

A ce sujet, le 119ème congrès des notaires, tenu en septembre dernier, avait émis des propositions très approfondies et équilibrées.

Elles visent à repenser en profondeur le statut du bailleur privé, tous impôts confondus.

Et ceci, en prenant un contrepied : il ne s’agirait plus de marquer le différentiel  selon l’usage (meublé ou nu), parfois artificiel et contre-productif.

Mais selon une option du contribuable, visant à choisir un bloc cohérent de règles (commerciales ou non), qu’il soit exploitant direct ou en société, civile ou non.

Pour l’instant, ce travail de profondeur n’est pas traduit dans les textes actuellement en débats.

Débats au cours desquels, le 12 octobre 2023, un amendement a été voté en commission des finances, visant à prendre en compte, pour le calcul de la plus-value, les amortissements déduits par les LMNP ayant opté pour le régime réel.

La plus-value immobilière du LMNP serait donc désormais déterminée à partir de la valeur comptable, et non plus à partir du prix d’acquisition.

Mais a priori, seules les locations meublées SAISONNIERES seraient concernées… ce qui est encore une autre histoire !

Notre équipe spécialisée est là pour aider à suivre cette actualité, car nombreux sont les concernés.

Toute dernière chose : location meublée, à exploiter en société ou en direct ?

Exercer l’activité de location meublée via une société vous conférera des facilités en termes de gestion et de transmission de votre patrimoine.

Mais attention :

l’article 206 du CGI soumet obligatoirement à l’impôt sur les sociétés (IS), les sociétés civiles qui exercent une activité commerciale.

Or, la location meublée étant une activité commerciale, son exercice par une société civile assujettira obligatoirement celle-ci à l’IS.

Pour conserver l’impôt sur le revenu, dans sa catégorie actuellement favorable des BIC (nous renvoyons à ce qui précède), et donc au régime de la plus-value des particuliers en cas de revente, il vous faudra préférer une SARL de famille… à condition d’en respecter les caractéristiques très strictes.

Est-ce si grave ?

Il est vrai que si la réforme envisagée prospère, il restera des distinctions avec l’IS (notamment quant à la neutralité fiscale des distributions de dividendes).

Mais la différence tendra à s’estomper, et ne sera sans doute pas aussi vivace qu’actuellement…

L’accompagnement  sur le choix de la forme sociale, sur les risques et les contraintes de ce mode de détention, sur les possibilités de transmission et sur le régime fiscal adapté, est plus que recommandé.

Ils sont à étudier de manière approfondie, en tenant compte de votre situation personnelle et familiale.

N’hésitez pas à nous contacter, pour adopter un prisme global d’analyse !