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Droit de l'immobilier
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Le bain d’acide de la clause résolutoire

(photo : Jean Reno dans le rôle de « Victor, nettoyeur » – NIKITA, de Luc Besson)

Soyons clairs : la résolution, ce n’est pas seulement la mort d’un contrat.

C’est son effacement total de la carte. Comme s’il n’avait JAMAIS existé.

Résolution du contrat : rétroactivité de sa disparition

L’effet d’une telle clause, quand elle est stipulée est très puissant : le contrat est comme un objet friable qu’on plongerait dans une baignoire d’acide. Il disparaît totalement, plus aucune trace de lui. Y compris pour ce qui s’est passé AVANT.

Du coup, c’est comme avec l’acide : il faut mettre des lunettes, et des gants solides.

L'effet de dissolution de la clause résolutoire est très puissant. Mais par le fait même, il est très dangereux s'il ne s'accompagne pas des précautions voulues.

Deux décisions de justice récentes illustrent ces deux réalités.

L’arrêt du 13 septembre 2023 rendu par la Cour de cassation en matière de crédit-vendeur

Il s’agissait d’une vente consentie par une société A à une société B, dans laquelle le prix devait être payé plus tard.

Elle tarde à payer.

La société A veut la poursuivre.

Mais entretemps la société B fait faillite. Et notre droit de la faillite (art. L. 622-21 Code de commerce) interdit les poursuites individuelles, une fois engagée la procédure.

Comme elle avait engagé les poursuites avant le dépôt de bilan de B, la société A soutient qu’on ne peut pas lui opposer ce principe. Les premiers juges lui donnent tort.

Mais en cassation, elle obtient gain de cause.

Pourquoi ? Comment ?

Uniquement parce qu’elle avait pris soin :

  1. de stipuler une clause dans l’acte de vente, prévoyant la résolution de plein droit (l’annulation rétroactive de la vente) 8 jours après une mise en demeure infructueuse
  2. de délivrer cette mise en demeure à temps, mentionnant dans celle-ci la clause résolutoire.

De ce fait, la clause avait joué de PLEIN DROIT. Donc, au moment de l’ouverture de la procédure collective, le contrat avait déjà cessé d’exister.

Ce qui signifie que la vente n'ayant jamais eu lieu, le bien ne faisait pas partie du patrimoine de la société mise en liquidation.

La société A pouvait donc récupérer son bien, sans aucune mise en concurrence avec tous les autres créanciers de la société B.

Sans cette clause, ce bien partait avec tous les autres dans le maëlstrom de la faillite.

Effet puissant du bain d’acide.

Mais qu'en est-il de sa dimension dangereuse, si l'on n'y prend garde ?

C’est un autre arrêt de la Haute Cour qui nous l’enseigne.

Celui rendu le 14 septembre 2023.

Il démontre de façon implacable à quel point il faut se garder de tout raisonnement hors sol. Et concrètement anticiper, à l’avance, toutes les conséquences de cette résolution.

Pour ne pas se retrouver soi-même tout aspergé d’acide.

Comment cela ?

L’affaire jugée le 14.9.2023 était celle d’une histoire touchante.

Celle d’un couple qui vend sa maison en viager.

Donc ici aussi, un paiement de prix différé dans le temps, par définition.

Et donc dans l’acte de vente, une belle clause résolutoire en cas d’impayé.

Un jour, après avoir acquitté le bouquet (partie du prix payé comptant) lors de la signature, puis la rente au cours des années qui suivirent, l’acquéreur cesse de payer.

Le couple fait alors usage de sa clause résolutoire, dans une mise en demeure.

Elle produit ses effets, et ils récupèrent donc la propriété de leur logement.

Et alors ? Tout finit donc bien, non ? Ils ont été prévoyants !

Pas assez.

Car rien n’était prévu pour les sommes qu’ils avaient déjà perçues.

Or n’oublions pas l’effet de la baignoire d’acide : plus de contrat… mais comme s’il n’avait jamais existé !

Donc, la maison leur revenait, certes.

Mais vu qu’ils étaient censés n’avoir jamais vendu, ils n’avaient également plus aucun titre à avoir perçu un quelconque prix. Il leur fallait donc restituer l’intégralité de ce qu’ils avait encaissé par le passé : bouquet, et intégralité des rentes échues..

Bonjour le désastre, dans la mesure où les sommes entretemps ont bien sûr pu être dépensées, placées, données aux enfants, etc..

Horreur ! Qu'aurait-il fallu faire ?

Comme dit plus haut, anticiper les gants et les lunettes …

Et se protéger avec une clause compensatoire, prévoyant qu’à titre d’indemnité due aux vendeurs en raison du préjudice, les sommes payées en amont de toute éventuelle résolution, leur resteraient acquises malgré la restitution du logement.

La rédaction d’une convention de vente, ou de bail, jamais ne s’improvise, et toujours au contraire doit être mise en perspective.

Nos équipes spécialisées sont là exactement pour ça, afin de vous y aider et de penser avec vous en amont !