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Transmission familiale de biens loués en meublé : attention dangers !

Consentir une location meublée, c’est-à-dire équipée de tous les éléments de mobilier nécessaires à l’habitation, est une formule qui a le vent en poupe ; et de plus en plus de propriétaires la préfèrent à la location « nue » (celle où le bail ne porte que sur les murs, charge au locataire de les garnir avec ses propres meubles).

 

Pourquoi ? Rentabilité souvent meilleure, obligations légales (un peu) moins lourdes (durée du bail, notamment), demande accrue dans les régions à fort dynamisme d’affaire ou à forte pression touristique, comme par exemple dans notre belle région…

…mais aussi régime fiscal tout à fait atypique, et pour tout dire franchement favorable. Il fait même parfois figure d’eldorado, dont la survie à long terme peut d’ailleurs poser question, quand on songe par exemple aux préconisations exprimées en son temps par le CPO dans un rapport de janvier 2018, ou aux idées exprimées lors des débats parlementaires autour du projet de loi de finances 2023.

 

Mais quelles sont les zones de vigilance ?

Amortissement & démembrement de propriété

Sans entrer dans les détails toujours si denses de notre réglementation fiscale, rappelons en deux mots quel est l’avantage essentiel du mécanisme attaché à la location meublée.

Elle est cette sorte d’ovni qui me permet de profiter de certains aspects de fiscalité des entreprises (pour la déduction des charges), tout en conservant d’autres avantages réservés aux particuliers (pour la taxation des plus-values lors d’une revente).

Tout découle du fait qu’aux yeux de la loi fiscale, louer un bien meublé relève d’une activité commerciale.

Cela implique que mes loyers ne sont pas traités, au sein de mon impôt sur le revenu, comme des Revenus Fonciers (RF), lourdement taxés à l’heure actuelle, mais comme les revenus d’une activité commerciale, dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC), alors même que je suis un simple particulier.

 

A ce titre, comme si j'étais un professionnel, je devrai tenir un bilan et respecter les règles de la comptabilité (en pratique, faire appel à un bon expert-comptable).

Or, cette gestion comptable va me permettre de prendre en compte, parmi mes charges déductibles, l’amortissement des investissements importants que j’aurai assumés pour la mise en place de mon activité : achat des murs, travaux, achat des meubles, etc..

Comptablement, l’amortissement est la traduction chiffrée de la dépréciation progressive que connaissent nos biens, meubles ou immeubles, avec le temps qui passe et la vétusté qu’il apporte. En règle générale, mon bien immobilier sera considéré amortissable sur à peu près 20 ans, mes meubles sur 7 à 8 ans.

Si l’on se concentre ici seulement sur le régime réel d’imposition (il est en effet possible, en dessous d’un certain seuil de recettes, de relever d’un régime forfaitaire, dit « micro BIC » mais c’est un autre sujet), c’est parce que là réside tout l’avantage de la location meublée :

A savoir, cette capacité que j’ai de déduire de mes revenus (en plus des dépenses éligibles réellement décaissées comme la taxe foncière, ou les charges de copropriété, …), cette perte purement comptable qu’est l’amortissement (5% par an de la valeur initialement investie, si je retiens par exemple une durée de 20 ans).

Ceci même si sur le marché, le prix de mon bien ne fait peut-être que croître.

 

Ces amortissements me permettent donc d’écraser la base taxable, comme si j'étais dans une fiscalité d’entreprise.

Alors que d’un autre côté, si je revends le bien (en excluant le cas où je serais loueur meublé professionnel, qui est aussi un autre sujet), je profiterai pourtant de la fiscalité « douce » des particuliers sur les plus-values, c’est-à-dire sans qu’y soient rajoutés les amortissements !

Belle cerise sur le gâteau !

 

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Mais attention.

De trop nombreux loueurs en meublés ignorent que pour pouvoir pratiquer un amortissement (et donc le déduire de ses revenus), il faut être propriétaire. Ce que n’est pas un simple usufruitier. Courant 2017, cela a été implacablement rappelé par les Tribunaux (Conseil d’Etat) et la doctrine administrative (réponse ministérielle Frassa).

Ce qui signifie par exemple que si mon conjoint et moi, loueurs en meublé, nous envisageons pour des raisons d’anticipations successorales, de procéder  à la donation de la nue-propriété de notre bien locatif à nos enfants, nous nous priverons de toute possibilité d’amortissement, et nous alourdirions donc gravement notre fiscalité personnelle pour le restant de nos jours.

Plus grave encore, car non pilotable : je suis loueur en meublé, personnellement propriétaire du bien (reçu en succession, par exemple), je décède en laissant la nue-propriété à mes enfants, et l’usufruit à mon conjoint survivant.

Je me rassure, comme souvent, en me disant qu’avec l’usufruit, mon conjoint pourra au moins continuer à percevoir les loyers ; c’est vrai, mais il ne pourra plus amortir ! Son reste à vivre ne sera donc plus le même…

Les solutions : elles existent !

  1. Tout d’abord, se prémunir contre les conséquences d’un décès en se dotant d’une VRAIE donation au dernier vivant.

Pas l’un de ces stéréotypes préfabriqués, où l’on ne prévoira pour le conjoint que d’accroître un pourcentage indivis ou une couverture en usufruit, chose bien insuffisante donc.

Mais au contraire, un document riche d’options adaptées, conçues au regard du profil patrimonial des époux, et permettant au dernier vivant de récupérer s’il le désire la pleine propriété du bien, et donc de poursuivre la déduction des amortissements.

2. Et également s’intéresser à la détention sociétaire du bien, par le biais d’une structure dédiée, qu’on appelle               SARL de famille (vaste sujet elle aussi !)

 

Ce qui amène à constater que les solutions sont forcément plurielles : la réponse efficace résulte non pas d'une démarche miracle unique, qui serait la même pour tous (ça se saurait !), mais de l'élaboration d'une stratégie reposant sur plusieurs actes fondateurs, dont les contenus seront élaborés avec soin, et en cohérence les uns avec les autres.
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Assurance décès & Résultat exceptionnel

Dans la sphère de la comptabilité et de la fiscalité commerciales (BIC ou IS), le fait de se couvrir à titre personnel contre les risques de décès ou d’invalidité est parfois, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, l’inverse d’une bonne idée.

En effet, le plus souvent, j’aime à penser que dans l’hypothèse où je viendrais à décéder avant le remboursement total du prêtmsouscrit pour financer l’activité de location meublée (achat de locaux, travaux de rénovation, etc…), ses proches seront libérés du poids des échéances bancaires, grâce à la prise en charge immédiate par une assurance des remboursements restant dus.

Sauf que le versement de l’indemnité correspondante sera analysée, au niveau de l’ « entreprise » de location meublée, comme un résultat exceptionnel (et ce, que l’activité soit exploitée en direct ou par le biais d’une SARL de famille).

Ce qui signifie que le montant pris en charge par l’assurance apparaîtra dans le compte de résultat comme s’il s’agissait d’autant de loyers, perçus d’un coup, et comme tel, il sera frappé de plein fouet par les BIC, en faisant potentiellement bondir au passage le malheureux foyer fiscal (déjà disloqué par mon décès et plombé par les droits de succession) d’une ou plusieurs tranches d’imposition dans le barème de l’IRPP !

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Certes, il existe un mécanisme de fractionnement quinquennal, en présence de résultats exceptionnels, permettant de lisser quelque peu le poids de l’impôt supplémentaire.

Mais même avec une facilité de trésorerie, l’impact sera réel.

Alors que les loyers, qui continuent à tomber normalement par ailleurs, auraient très bien pu suffire à poursuivre le remboursement normal des échéances, sans créer de ce fait ce surcoût dans l’imposition personnelle.

 

 

 

La diversité des cas est telle que ce ne sont là que quelques-unes des questions qui se posent. Il sera toujours bon d’analyser celles-ci en se rapprochant de vos Conseils, parmi lesquels ce spécialiste de la fiscalité et du patrimoine qu’est votre notaire.

Si vous avez investi dans l’immobilier, en vous orientant vers la location meublée, c’est une bonne idée.

Mais pour protéger cette idée et la faire grandir, anticipez les questions de transmission familiale. Elles enrichiront vos stratégies (donation) ou protègeront vos proches contre l’imprévu (succession brutale).

Pour cela, nous mettons à votre disposition une équipe de spécialistes, n’hésitez pas.