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Conseil à l'Entrepreneur
culture juridique pour tous

Donner son entreprise, avant de la vendre : le bon sens des choses pour gratifier ses proches et contenir l’impôt !

photo : Linxea

Ce mois-ci, nous avons le plaisir de profiter de l’expertise de Maître Pierre-Emmanuel Mazas, notaire au sein de notre Pôle patrimonial.

Il est en charge des dimensions corporate de notre offre en la matière (conseil à l’entrepreneur, création & transmission d’entreprise, opérations de haut de bilan, anticipation des ruptures de gouvernance, etc..).

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Dans cet article rédigé pour la presse, il nous délivre de bons éléments pratiques.

Ceci pour disposer de toutes les cartes en main, afin de réussir et sécuriser cette opération.

Comment combiner la cession de son entreprise avec une transmission patrimoniale optimisée ?

Pour le dirigeant d’une société, la cession de son activité demeure un élément clé de sa vie professionnelle, sur le plan psychologique comme financier.

Le dirigeant peut vouloir profiter de cette séquence pour partager le gain de son travail avec ses proches (conjoint, enfants etc..)

Au-delà des aspects financiers et comptables classiques, cette opération est une occasion majeure de solliciter le notaire, qui saura accompagner le dirigeant sur l’aspect fiscal et patrimonial de cette cession avec une vue stratégique, après un audit patrimonial préalable de sa situation.

En quoi consiste la donation précession ?

La donation précession, ou donation avant cession, est une opération qui consiste à procéder à la donation des titres d’une entreprise, dans un laps de temps habituellement assez court, juste avant que cette dernière ne soit cédée.

Ce mécanisme a pour effet d’effacer la plus-value constatée entre :

  • la valeur des titres qui feront l’objet de la donation,
  • et celle de leur vente à l’acquéreur convenu.

La cession ayant le plus souvent lieu, et volontairement, peu de temps après la donation, la valeur de cession est ainsi égale à la valeur des titres déclarée pour la donation, ne faisant ainsi supporter aucun impôt de plus-value aux bénéficiaires de la donation.

Toutefois, une telle opération nécessite une anticipation importante, tant les sujets et problématiques en découlant requièrent l’analyse d’experts dans le domaine.

Ceci, afin de sécuriser parfaitement l’opération, objet de toutes les attentions !

Comment sécuriser cette transmission ?

Dans un tel schéma, l’ordre des opérations est crucial.

La donation doit en effet impérativement intervenir avant la cession de l’entreprise.

Voilà un point déterminant selon la forme de la société cédée : puisque selon les cas, le transfert de propriété des titres pourrait juridiquement intervenir en amont de la signature de l’acte de cession.

Il s’agira donc pour les Conseils de s’assurer en amont de la cession que toutes les conditions suspensives stipulées dans l’accord de cession ne sont pas encore réalisées, lors de la signature de la donation.

On conseillera aussi de régulariser l’acte de donation devant notaire, même si en matière de titres négociables (actions), ce n’est pas matériellement obligatoire : car on bénéficie alors des avantages de l’acte authentique.

Notamment, de la date certaine qu’il conférera à la transaction. Et ce n’est pas mince quand le calendrier est très minuté.

Mais aussi, cela permettra, sur le plan civil et familial, d’établir une donation-partage, c’est-à-dire une donation valant partage anticipé et définitif entre les donataires, figeant ainsi les valeurs transmises à chaque héritier. Pratique, compte tenu de ce qui va suivre !

Et quelles précautions particulières ?

Pour s’assurer de la bonne fin de la cession, le donateur pourra interdire aux donataires de céder les titres sans son accord. A l’exception bien entendu de l’acquéreur programmé pour le rachat.

Différentes clauses utiles au niveau familial pourront aussi être intégrées :

  • droit de retour conventionnel,
  • exclusion de communauté,
  • charges graduelles ou résiduelles,
  • anticipation du sort du prix de vente en cas de transmission en démembrement – point clé que nous étudions ci-dessous,
  • etc..

La présence d’un enfant mineur chez les donataires ne sera pas un obstacle à la donation.

En pratique, il conviendra néanmoins de prendre soin de nommer un tiers administrateur afin qu’il dispose des pouvoirs de disposition nécessaires afin de mener à bien la cession de l’entreprise sans avoir besoin de recourir au juge.

Comment optimiser cette transmission ?

Différents axes de donations peuvent être envisagés : en propriété ou en démembrement.

Une première possibilité est celle d’une donation des titres en pleine propriété, qui verra les donataires recevoir, à l’issue de la cession, la somme d’argent correspondant à la valeur des titres reçus, permettant ainsi au donateur d’éviter toute fiscalité liée à la cession pour la partie transmise.

A noter que, selon la valeur des titres donnés, une fiscalité de droits de mutation à titre gratuit (ou droits de donation) pourra être due et sera à provisionner au moment de la donation, s’il est fait donation d’un montant supérieur à l’abattement dont dispose le donataire à l’égard du donateur (variable selon le lien de parenté).

Alternativement, dans un souci de pouvoir conserver l’usage des fonds provenant de la vente de sa société, le cédant pourra préférer opter pour une donation portant seulement sur la nue-propriété des titres : s’en réservant l’usufruit, il fait naître un démembrement de propriété sur les titres, ouvrant de nouveaux avantages patrimoniaux et fiscaux.

La démultipliée obtenue grâce au démembrement, en liberté et en optimisation

Premier levier fiscal offert par le démembrement :

il permet  que la valeur de l’usufruit réservé par le donateur, calculé selon le barème de  l’article 669 I du Code général des impôts, ne soit soumis à aucun impôt, tant au niveau de la donation dans l’immédiat, qu’au niveau de sa succession au jour de son décès. Puisque l’extinction de cet usufruit par le décès n’emporte alors aucune fiscalité particulière.

Second levier :

Il porte sur l’effacement de la plus-value sur la valeur en nue-propriété des titres : elle fait l’objet de la donation à une valeur équivalente à celle de la cession programmée.

Et surtout, au plan patrimonial :

Trois devenirs patrimoniaux possibles du prix de cession apparaissent :

  • son partage (répartition entre les parties selon la valeur capitalisée de leurs droits respectifs)
  • son remploi par subrogation (c’est-à-dire la possibilité de réinvestir conjointement le prix de cession, et de le faire reporter sur un nouveau bien, acquis directement en démembrement)
  • et la mise en place d’un usufruit renforcé sur les liquidités laissées à la libre disposition du seul usufruitier, appelé aussi « quasi-usufruit ».
Comment organiser la mise en place d’un « quasi-usufruit » ?

Le Code civil permet, en cas de vente simultanée de droits démembrés sur un même bien (= donc de l’usufruit et de la nue-propriété), que le prix puisse se répartir entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon la valeur respective de chacun de ses droits, sauf en cas d’accord des deux parties pour reporter l’usufruit sur le prix de la cession.

C’est ainsi que le donateur pourra, en cas de volonté commune, se voir attribuer la jouissance complète du prix de cession, au titre d’un quasi-usufruit.

Pour  que le donateur profite d’une telle jouissance sur le prix de cession, le notaire prendra soin d’encadrer cette possibilité via des conventions conclues en amont de la vente des titres, et particulièrement au sein de l’acte de donation.

Il conviendra ainsi de s’assurer de l’existence d’une dette qui naîtra alors au profit des donataires, sous la forme d’une créance dite de restitution, qui aura vocation à être remboursée, non pas du vivant du donateur, mais au jour de son propre décès, à travers sa succession.

Le quasi-usufruitier conservera alors la libre disposition de la consommation des fonds, à charge d’en rendre compte aux nus-propriétaires concernés.

Il sera donc également nécessaire de constater dans une convention postérieure à la cession :

  • la naissance de ce quasi-usufruit (puisque l’usufruit porte désormais sur du cash, et non plus sur des titres),
  • l’effectivité de cette créance détenue par les donataires à l’encontre du donateur
  • son opposabilité future au Trésor Public,
  • et pourquoi pas, son indexation conventionnelle, afin d’adapter son montant sur la durée, notamment dans un univers inflationniste.

En conclusion, l’opération de donation précession est un schéma qui développe de puissants leviers patrimoniaux et fiscaux, dans la mesure où il est mis en place avec soin : de manière chronologique, précise et encadrée.

L’anticipation au plus tôt avant la cession pour recourir à une telle opération sera le maître-mot, tout comme l’assistance d’un professionnel aguerri en la matière, comme le notaire.