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Droit des sociétés
culture juridique pour tous

Pacte d’associé & pacte sur succession future

Il est fréquent aujourd’hui que les membres d’une société, au delà des règles prévues dans les statuts, désirent s’entendre par écrit de manière plus confidentielle sur différents sujets. Ce sont les pactes d’associés.

Quelles sont les limites d’un pacte d’associé ?

Y a-t-il des sujets sur lesquels il n’est pas possible de s’engager par avance, à travers un accord conventionnel anticipé ?

A priori non.

Car au moyen d’un tel pacte extrastatutaire, je peux bien m’engager avec mes coassociés sur une grande diversité de sujets.

Ainsi, selon ce qui nous semblera important, nous pouvons contracter des engagements réciproques sur :

  • le rythme de travail minimum (ou maximum),
  • les conditions de sortie obligatoire,
  • les possibilités de demander son retrait de la société,
  • les méthodes de calcul de la valorisation des titres en cas de rachat de la participation d’un associé par les autres ou par la société elle-même,
  • les droits sociaux annexes attachés à certains titres,
  • les conventions de vote sur certains sujets,
  • les politiques de distribution des dividendes, ou au contraire de mise en réserve,
  • les pactes de préférence ou droits de préemption en cas de cession de titres,
  • les clauses de non-concurrence,
  • les obligations de souscrire des garanties croisées en cas de décès,
  • etc, etc..

 

Mais si le champ d'application est très vaste, il y a néanmoins une limite : on ne peut pas consentir des contrats (créant des droits ou des obligations) sur une succession non encore ouverte.

C’est en effet un principe important dans notre droit : les pactes sur succession future sont en principe prohibés (article 722 du Code civil).

Mais (comme souvent dans notre droit..), le principe est assorti d’exceptions !

Je peux donc signer un pacte sur succession future , mais uniquement dans les cas autorisés par la loi ?

Oui, et c’est le cas dans de nombreux sujets : donations au dernier vivant, donation à titre de partage anticipé, renonciation anticipée à l’action en réduction, etc…

Mais en dehors de ces cas : impossible.

 

Et donc, en droit français, tout contrat conclu portant sur des biens composant un futur héritage, en dehors des exceptions strictement prévues, sera nul. De plein droit.

Dès lors, si dans ce pacte je conclus avec mes associés des engagements qui donnent des droits ou des obligations à mes futurs héritiers, ça signifie qu’il s’agit d’un contrat prohibé.

Mais alors, l’ensemble de notre pacte est-il contaminé par ce cas de nullité ?

C’est toute la question qui a été soumise à la Cour de cassation dans le cadre d’un litige portant précisément sur ce point.

Les co-actionnaires, dans le cadre de leur pacte, avaient prévu des règles appelées à régir la vie de la société en cas de décès d’un actionnaire, et les actes  que devaient alors effectuer les autres (notamment remboursement entre les mains des ayants droits du compte courant d’associé dont le défunt serait éventuellement titulaire, au moment où interviendrait son décès).

Ce qui devait arriver arriva.

Au décès de l’un d’eux, d’autres actionnaires considérèrent que :

  1. ces dispositions constituaient un pacte sur succession future, non autorisé par la loi,
  2. donc qu’il était nul et sans effet,
  3. et que cette nullité s’étendait à l’ensemble du pacte d’actionnaire, que n’importe lequel d’entre eux pouvait par conséquent déchirer.

Et qu’a répondu la Cour ?

Dans son arrêt du 25 janvier 2023, elle a considéré trois choses :

  • oui ce type de dispositions est un pacte sur succession future,
  • oui, il est nul et non avenu, puisque stipulé dans un cadre non autorisé par la loi,
  • mais non, il n’étend pas sa nullité sur l’ensemble du contrat qui le contenait, car il ne constituait pas une disposition essentielle et déterminante du pacte d’actionnaire global.

Est-ce que ça signifie qu’au pire, je peux instaurer des clauses de ce type, sans trop de risque si elles sont contestées, de voir dégringoler avec elles la validité de l’ensemble du pacte d’actionnaire ?

Non, certainement pas ! mauvaise idée !

Car ici et au cas présent, la Cour a considéré que l’importance de la clause prohibée était annexe par rapport à tout le reste des contenus du pacte d’actionnaires.

Elle a estimé qu’elle n’était pas impulsive : c’est-à-dire que même si elle n’avait pas existé, les actionnaires auraient quand même pu convenir du reste, indépendamment, et aux mêmes conditions.

Mais dans d’autres cas, elle pourra arriver à des conclusions opposées ?

Oui, et selon le contexte, les juges pourront estimer au contraire que le pacte sur succession future était l’objectif essentiel du pacte d’actionnaire.

Auquel cas, le tout sera rayé de la carte. Même les autres clauses qui aborderaient tout autre chose.

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Rédiger un pacte d’associés ne s’improvise pas.

Il faut assurer sa cohérence avec les autres documents impactant la vie sociétaire (statuts, mandat à effet posthume, mandat de protection future, convention de compte courant d’associé, etc..).

Mais aussi assurer son efficacité.

Assurer son opposabilité à la personne morale elle-même (qu’il est donc prudent de faire apparaître, par le biais de son représentant légal dûment autorisé, parmi les signataires du pacte).

Assurer la force probante de son contenu (= attester que tout le monde a signé en conscience, et en connaissance de cause).

Et assurer sa traçabilité.

Toutes choses qui pourront souvent justifier d’avoir recours à un acte authentique, qui restera archivé et garanti à vie chez le notaire.

Et « à vie »… cela représente ici un enjeu très vaste !

Car c’est un autre enseignement de cette décision du 26 janvier 2023 : en la matière, la Cour a admis que la date limite de validité d’un tel pacte d’actionnaire puisse être alignée sur.. la durée de vie de la société ! Sans que cela puisse constituer une autre cas de prohibition, à savoir un engagement perpétuel.

Or, chacun sait qu’une société peut valablement être constituée pour 99 ans ; et qu’en plus, lorsqu’on approche du terme, les associés du moment peuvent voter sa prorogation, à nouveau pourquoi pas pour la même durée…

Le pacte peut donc être appelé à une belle longévité…

Il mérite donc d’y porter grand intérêt : rapprochons-nous d’une équipe spécialisée, qui sera ravie d’en parler sereinement et en détail.