Couplage successions / sociétés

Quelles conséquences pour la gestion d'un compte courant d'associé de la mort de son titulaire ?

Lorsque je décède, tous les biens ou droits que j’avais sont frappés par les droits de succession.

Parmi l’ensemble de ces biens, on trouvera les créances que je détenais

Et parmi ces créances, celles contre la ou les sociétés dont j’étais membre : les fameux comptes courants d’associés.

Ils sont dus à des avances de trésorerie consenties de mon vivant à la société pour qu’elle puisse faire face à un engagement (rembourser les échéances d’un crédit, par exemple), ou à des résultats distribués mais que je n’avais pas encore appréhendés (le plus souvent, faute de trésorerie dans les caisses).

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Ces comptes courants d’associés (CCA), correspondent à une dette pour la société, mais à une créance pour moi, donc un actif. Et comme tels, ils doivent figurer dans la déclaration de ma succession. De ce fait, leur montant supporte des droits de succession.

Or ces droits :

  • peuvent atteindre, selon le montant, un taux élevé : jusqu’à 45% dans les héritages en ligne directe (et plus dans les autres cas).
  • sont à acquitter dans les 6 mois de mon décès.

 

Ce délai très bref peut mettre mes héritiers dans l'embarras, si dans ma succession je ne leur laisse pas de liquidités suffisantes pour régler l'impôt dans les temps. Et passé le délai, il s'alourdira encore de pénalités !
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Heureusement, la loi prévoit ce type de situation

Lorsque l’héritage est composé majoritairement (+ de 50%) de biens non liquides, mes héritiers peuvent demander à fractionner  l’impôt en plusieurs échéances : jusqu’à 7, sur un maximum de 3 ans.

Encore faut-il s’entendre sur ce que sont des biens non liquides !

Les textes donnent une liste exhaustive des biens concernés.

C’est l’article 404 A de l’annexe III du Code Général des Impôts qui fixe cette liste.

Il ne pourra s’agir que :

  • des créances non exigibles au jour du décès,
  • des immeubles,
  • des fonds de commerce ou clientèles,
  • des droits d’auteur,
  • des brevets d’inventions,
  • des parts sociales ou valeurs non cotées,
  • du matériel agricole,
  • des troupeaux et récoltes,
  • des objets d’art ou de collection.
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Dès lors, mes héritiers peuvent-il se prévaloir de la 1ère rubrique de cette liste (« créance non exigible ») pour obtenir l’étalement de l’impôt ?

La réponse est non

C’est ce qu’a décidé la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 janvier 2022 (20/05148), pour trancher un litige opposant un contribuable au Fisc, qui refusait à ce dernier le bénéfice de l’étalement, au motif que ce type d’actif ne figurait pas dans la liste exhaustive de l’article 404.

A bon droit, considéra la cour : en effet, sauf clause contraire je peux demander  à tout moment à la société le remboursement de mon CCA. Donc si je décède, mes héritiers disposent de la même prérogative. Donc la créance est remboursable immédiatement (que la SC dispose ou non de la trésorerie, c’est un autre problème).

De ce fait, les droits de succession sont à régler immédiatement, dans les 6 mois du décès.

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Mes héritiers peuvent donc se trouver face à de grandes difficultés, car on comprend bien que la définition fiscale de l’article 404 est totalement déconnectée de la réalité économique de liquidité : ma créance peut très bien être exigible et dans le même temps parfaitement illiquide, tout simplement parce que la société débitrice ne dispose pas du premier sou pour rembourser !

Et que si elle doit vendre des actifs pour obtenir le cash nécessaire, cela peut prendre des mois.

Voilà donc une raison supplémentaire pour anticiper l’organisation juridique de ces CCA.

En effet, s’en tenir à la simple réalité comptable, sans encadrement conventionnel, peut présenter des conséquences dramatiques dans le cas de mon décès. Non seulement du fait de devoir brutalement payer un impôt important sur des sommes non disponibles, mais pas seulement : indivision entre mes enfants sur cette créance, démembrement entre eux et mon conjoint, risque de mésentente entre les associés, …

Apporter toute l’ingénierie juridique à ces ressources hors capital, avec le même soin que celui prodigué aux statuts de la société, sera toujours une excellente précaution. A ce sujet, nous renvoyons vers notre article dédié à ce sujet.

Beaucoup d’entre nous sont concernés : qui n’a pas de CCA dans les livres de sa SC ou sa structure pro ?

N’hésitez pas à vous renseigner auprès de nos équipes spécialisées pour obtenir tous les conseils que mérite cet enjeu.