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fiscalité & réglementation immobilière
Brève

TVA sur marge : en attendant le BoFip…

Le contentieux ne désarme pas

Depuis la directive UE de 2006, et la réforme en 2010 de la TVA immobilière en France, un sujet ne cesse de faire litige avec l’administration fiscale : celui de la TVA sur marge.

Les épisodes de la saga sont sans fin : décisions des juridictions de 1er degré, des cours d’appel, du Conseil d’Etat, et même de la Cour de Justice de l’union européenne.

A cela, ajoutons la réponse ministérielle Grau.

Elle nous dit que tant que le bulletin officiel des impôts (BoFip)  ne sera pas mis à jour de cette jurisprudence, la doctrine administrative antérieure à la décision de la CJUE (30.9.2021) reste applicable…

Or cette mise à jour semble complexe (à la mesure de la jurisprudence), puisqu’en ce début janvier 2023, elle n’a toujours pas eu lieu.

Mais qu'est-ce que c'est, la "TVA sur marge" ?

Tout simplement un régime fiscal de faveur, prévu à l’article 268 du CGI.

Que dit-il ?

Il énonce un principe simple.

Si je suis le vendeur :

  • d’un bien dont la cession est soumise à TVA (typiquement, un terrain à bâtir, vendu par l’assujetti TVA que je suis parce que je suis un professionnel de l’immobilier),
  • alors que, quand j’ai acheté ce bien, il n’avait pas donné lieu à facturation de TVA (notamment, parce que je l’ai acheté auprès de la famille Patapoum, des particuliers), ce qui de ce fait ne me permet pas de déduire une TVA d’amont,
  • alors le prix que je perçois aujourd’hui ne supporte la TVA que sur la marge.

C’est-à-dire seulement sur la plus-value que je réalise (= la différence entre le prix de vente que j’obtiens aujourd’hui, Vs le coût que j’ai supporté pour acquérir ce bien).

Jusque là, c’est logique. Où est le problème ?

 

L'administration fiscale a toujours été très vigilante sur d'autres conditions que, selon elle, il fallait réunir pour accéder à ce régime favorable.

A défaut, la TVA est exigée sur la totalité du prix de revente, et non pas seulement sur la marge que réalise le revendeur.

L’administration fiscale a mené de nombreux redressements à ce sujet, au motif que selon elle, le régime de la TVA sur marge n’était applicable QUE SI le bien revendu était le MEME qu’à l’origine, c’est-à-dire s’il présentait :

  • une identité matérielle avec son état à l’époque de son achat (= si je cède un terrain à bâtir, revendu comme tel après avoir rasé la vieille maison de la famille Patapoum présente sur le terrain que j’avais acheté, alors je ne rentre pas dans les clous…)
  • une identité juridique (= si j’achète une grande parcelle X auprès des Patapoum, puis la fait diviser en 2 plus petites parcelles Y et Z, alors leur revente n’est pas celle du même bien.)

 Elle a eu gain de cause ?

Dans un premier temps non : les tribunaux de 1er degré considéraient qu’elle rajoutait des conditions inexistantes dans le texte. Mais elle a fini par abandonner l’une des deux exigences : celle de la condition d’identité matérielle. Elle a admis que le bien puisse faire l’objet de modifications concrètes entre son achat et sa revente (démolition de bâtiments vétustes, travaux de viabilisation, VRD,…) sans remettre en cause la TVA sur marge.

 

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Ah ! Mais alors ?

Alors, se cramponnant sur l’autre condition (identité juridique), le Fisc est allé jusqu’au Conseil d’Etat.

Lequel lui a donné raison, après avoir sollicité l’avis de la CJUE, compte tenu des fortes dissensions. Car tout provient de l’interprétation de la directive UE de 2006, très technique.

Et les juridictions supérieures ont confirmé que le Trésor Public avait raison d’exiger cette condition supplémentaire.

Par une nouvelle décision en date du 11 octobre 2022, le Conseil d'Etat a confirmé cette position, à présent clairement établie.

Donc à présent ?

Si je suis revendeur d’un bien non soumis à la TVA quand je l’ai acheté à la famille Patapoum, je dois revendre juridiquement le même bien (peu importe si je l’ai matériellement modifié) pour pouvoir prétendre au régime de la TVA sur marge.

Donc si je veux revendre des parcelles détachées du grand terrain que j’ai acquis initialement ?

Alors je dois les avoir acquises sous cette forme !

Cela implique que la division parcellaire ne soit pas opérée par moi, après mon achat, mais qu’elle soit réalisée par les Patapoum !

= ils divisent eux-mêmes leur parcelle X en deux parcelles Y et Z, puis me les vendent toutes les deux.

= même nombre de m² et même prix, mais ainsi, si je revends la parcelle Y à M. Tartopom et la parcelle Z à Mme Tartopoir, je vendrai des terrains ayant la même nature juridique.

Et en conséquence, si je fais une marge, je ne supporterai la TVA que sur cette marge.

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Et cette fois ça y est ? C’est tout ?

Non.

Car en février 2022, dans la RM Grau, le ministre avait annoncé que le BoFip serait mis à jour une fois que le Juge national aurait traduit la position de la CJUE dans ses décisions.

Or on peut penser que c’est maintenant chose faite.

Par conséquent, et en toute logique, le Bofip devrait à présent être prochainement mis à jour, intégrant pleinement la position émanant de la CJUE.

Cela impliquera qu’en plus de la condition d’identité juridique du bien, s’en ajoutera une autre, à laquelle n’avait pas songé le Trésor Public, mais que la CJUE a rajouté.

Et quelle est-elle ?

Pour bénéficier du régime, je devrai démontrer que le prix du bien « incorpore » un montant de TVA acquittée en amont :

  • soit que j’avais payée moi-même quand j’avais acheté,
  • soit, à défaut, que le vendeur précédent (la famille Patapoum) avait acquittée à l’étape précédente, même si notre transaction n’y avait pas été soumise (par exemple parce qu’entretemps mon vendeur avait perdu la qualité d’assujetti).

 

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(photo : Femme Actuelle Le Mag)

Autant dire que le champ d’application de ce régime de TVA sur marge deviendra… très marginal.

Voire inexistant en pratique !

Tant remonte à longue date, à présent, les opérations d’acquisition de terrain qui étaient soumises à TVA pour les particuliers.

En attendant non pas Godot, mais l’arrivée du BoFip nouvelle formule, si vous êtes lotisseur, promoteur, marchand de biens, n’hésitez pas à vous rapprocher de nos équipes dédiées aux opérations immobilières complexes pour parfaitement baliser le terrain… même ce qui est à la marge !