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Droit des sociétés Non classé
Brève

Valeur de parts sociales & clause d’agrément : quels effets pour l’IFI ? (ou autres !)

Les tribunaux, dans le cadre d’un litige fiscal, viennent de répondre à cette question : la présence d’une clause d’agrément, dans les statuts d’une société, justifie-t-elle une décote sur la valeur des  titres ?

En clair, est-ce une contrainte qui, pesant sur leur libre cession, permet de considérer que leur prix en est affecté ?

De ce fait, si je suis détenteur de ces titres, puis-je en minorer le chiffrage dans mes déclarations fiscales ?

Dans un arrêt du 15 février 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur ce point.

Elle l’a fait en matière d’ISF (le litige portant sur des années où cet impôt existait encore).

Mais même si l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) a disparu depuis, son remplaçant l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) apparaît tout autant concerné.

Peut-on élargir à d’autres impôts, parmi ceux qui, comme l’ISF, frappent la valeur du patrimoine ?

Oui, sans doute : les droits de succession ou de donation semblent propices à connaître le même raisonnement.

Et quel est donc ce raisonnement ? Quelle a été la décision de la Cour ?

Elle a admis qu’une décote était justifiée, du fait de l’absence de libre cessibilité des titres générée par une clause d’agrément.

Et que de ce fait, comme en matière de bloc minoritaire, il était concevable d’appliquer 20 à 30% de pondération à la baisse.

 

Mais une clause d'agrément, justement, qu'est-ce que c'est ?

C’est à la fois tout simple et extrêmement important.

C’est la clause par laquelle on peut prévoir, au sein des statuts :

  • que n’importe qui peut devenir associé dès lors qu’il acquiert des titres (ou en hérite),
  • ou au contraire, que la personnalité des membres est décisive, et que de ce fait, pour entrer au capital il faut d’abord être accepté (agréé) par ceux qui sont en place.

Une sorte de portique d’entrée, en somme, comme on en installe dans les aéroports ou les ministères, pour des raisons de sécurité.

Car ainsi on peut réellement donner et conserver la « coloration » qu’on souhaite à la société :

« je m’associe avec toi dans cette aventure commune, car je te connais, et j’apprécie ta façon de travailleur ou de gérer ; mais si quelqu’un d’autre prenait ta place, je ne serais pas certain de continuer. »

Et réciproquement.

Comment peut-on libeller ces clauses d'agrément ?

Comme on veut ! Il importe simplement de s’y pencher, pour savoir ce qu’on veut :

  • est-ce qu’on veut que certains tiers en soient dispensés (par exemple les descendants des associés, les conjoints…) ?
  • ou au contraire surtout pas ?
  • est-ce que la clause doit s’appliquer dans tous les cas, ou non (par exemple en cas de vente, mais pas en cas de donation, ou de succession ?)
  • à quelles conditions l’agrément doit-il être obtenu : faut-il l’unanimité des associés en place ? ou seulement une majorité ? si oui, laquelle ?
  • etc…
Cela signifie que la procédure d'agrément peut être plus ou moins rigoureuse !

Oui !

Et donc, selon nous (et même si l’arrêt ne le dit pas), il ne suffit pas simplement de dire qu’il y a clause d’agrément pour soutenir qu’il y a décote.

Tout dépend de la réalité de la contrainte.

Par exemple, un agrément soumis à la simple majorité n’aura aucun effet limitateur sur l’associé qui a lui seul détient la majorité… à moins que la clause stipule que l’intéresse ne participe pas au vote !

Auquel cas il sera bien soumis à cette contrainte.

Et précisons au passage que stipuler une telle abstraction de ses droits de vote sera une nécessité, si l’on prévoit que l’agrément s’applique en cas de succession. Faute de quoi, tout se retrouvera bloqué… vu qu’on ne peut pas faire voter les morts !

On le voit, la clause d'agrément est un contrat dans le contrat, et le degré d'enjeu qu'elle représente mérite tout l'intérêt.

C’est certain.

D’autant plus que parallèlement, si à l’appui de la procédure l’agrément est refusé, se posera alors aussi la question du dédommagement.

Car poser une clause d’agrément ne signifie pas interdire de revendre les titres : c’est impossible (sauf cas particuliers et temporaires, dans les SAS notamment).

Cela veut dire prendre la place de celui qui aurait dû acquérir (ou hériter) s’il avait été agréé.

Ce qui signifie donc verser le prix de ces titres à celui qui vendait (ou à ses héritiers).

Et donc on aura tout intérêt à s’interroger en amont sur les méthodes de valorisation à retenir, à s’entendre d’avance sur les critères déterminants, etc.

Ce qui amène à la pertinence de conventionner ces sujets dans un pacte d’associé, et souligne l’intérêt de lier en toute logique les deux contenus. Mais c’est une autre histoire… N’hésitez pas, justement, à venir la découvrir avec nos équipes spécialisées !