La Fiducie, seule de son espèce… comment ne pas se passionner pour elle !
Publié le 09/12/2024
C’est une jeune fille âgée d’un peu plus de dix-sept ans déjà, et pourtant si méconnue.
Si secrète encore, alors qu’elle a tant de services à rendre, avec une destinée riche et chargée de promesses.
La fiducie, fée de tous les possibles.
Née timidement dans notre Code civil dans les brumes d’une loi du 19 février 2007, après d’âpres débats où tous n’étaient pas favorables à ce qu’elle voie le jour, le premier berceau qui lui fut alloué restait étroit et recroquevillé.
Elle qui était vue comme un schéma juridique dérogeant à tant de règles, il fallait la circonscrire à de rares hypothèses, réservées à des contextes d’expertises précis, et ne touchant que des professionnels avertis.
Entendons par là des sociétés.
Et encore, uniquement celles soumises à l’IS (impôt sur les sociétés) .
Car elles seules étaient censées se livrer à des activités économiques de manière habituelle, et ainsi répondre aux impératifs de technicité que semblait requérir cette nouveauté inédite.
Mais de manière presque immédiate, le législateur qui lui avait donné vie réalisa son erreur de l’empêcher ainsi de respirer et de prendre son envol.
Dès l’année suivante (loi LME de 2008), il abrogea cette exclusivité, pour ouvrir la fiducie à tous, y compris aux personnes physiques.
Néanmoins, son décollage peine encore à se réaliser dans la pratique quotidienne .
L’instrument puissant qu’elle constitue reste largement ignoré par les acteurs que nous sommes tous.
Alors que si souvent elle est la solution toute prête, qu’on s’évertuerait inutilement à rechercher et à construire par ailleurs, au détour de voies souvent décevantes.
Pourquoi est-ce une institution juridique à part, permettant d’atteindre des sommets d’organisation sur-mesure, là où d’autres concepts plus usuels manquent d’oxygène ?
Tout repose en réalité sur le transfert de propriété qui lui est sous-jacent,.
C’est le fondement suffisamment solide pour remplir les divers objectifs auxquels elle est appelée.
Car aussi variés soient-ils, c’est en effet ce glissement de propriété qu’elle induit sur les biens concernés, qui fait toute la différence avec les autres outils de la boîte dans laquelle nous pouvons piocher.
Concrètement, ça signifie quoi, et ça sert à quoi ?
Et cette convention n’est pas seulement le constat d’un accord passé, comme tant d’autres :
c’est surtout un accord sur un plan d’action, programmé dans un but prédéfini.
L’article 2011 du Code civil nous fournit la définition autant que le mécanisme de base du contrat :
« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. »
Là est toute l’originalité du concept :
- la personne qui constitue la fiducie (= le constituant)
- va transmettre à un tiers (= le fiduciaire, qui d’ailleurs ne peut pas être n’importe qui puisqu’il s’agira nécessairement d’un établissement financier ou d’un Avocat)
- la propriété d’un (ou plusieurs) de ses biens,
- pour une période définie,
- avec mission de faire quelque chose de précis avec ce bien,
- en faveur des intérêts d’un bénéficiaire (= qui peut être le constituant lui-même, ou n’importe qui d’autre).
La propriété transmise par contrat de fiducie a donc une durée nécessairement limitée, fixée librement, mais dont le maximum culmine à 99 ans.
Et d’autre part le fiduciaire, devenant propriétaire pendant cette période (au sein d’un patrimoine isolé et déconnecté de ses propres biens) n’est pas maître absolu puisqu’il doit suivre une feuille de route, un mode d’emploi de cette propriété, défini dans le contrat de départ.
Lui en effet connaissait de nombreuses variantes de droit de propriété et d’usage, adaptables à des multiples situations.
Alors que le modèle unique et invariable consacré par notre Code civil, organisant une société bourgeoise au sortir de la Révolution, ne concevait pas la propriété autrement qu’absolue, perpétuelle, et affranchie de toute limite.
C’est bien d’ailleurs à l’époque médiévale qu’Outre-Manche apparaît le « trust » :
contrat par lequel le seigneur d’un fief, partant en croisade pour de nombreuses années, confie la propriété de ses biens à une personne de confiance, dotée de pouvoirs de propriétaire, et non de simple administrateur, en vue de faire fructifier et préserver le bien commun.
On sait le succès maintenu à travers les âges pour l’institution, si répandue aujourd’hui dans tout le monde anglo-saxon.
Cette confiance dont le monde contemporain des affaires a plus soif que jamais.
Dans une fiducie, elle repose donc sur le fait que le sort du bien est assigné d’avance, avec les contours solides :
- du droit de propriété,
- et d’une propriété sans risque de confusion puisque isolée dans une capsule à part : un patrimoine fait pour elle et ne contenant qu’elle.
et donc pas de risque de se voir supplanté par des droits plus forts qui viendraient contrecarrer le but visé.
Une fois le contrat mis en œuvre, personne en effet ne peut plus venir revendiquer les biens pour un autre compte, à raison d’un droit qu’il détiendrait contre l’un des acteurs :
- ni les créanciers (ou les héritiers) du constituant,
- ni ceux du bénéficiaire s’il est un tiers,
- ni les créanciers du fiduciaire.
La capsule est étanche, et une fois lancée, elle ne concerne plus que ses membres, seuls dans leur cosmos tripartite :
constituant, fiduciaire, et bénéficiaire.
Voilà par exemple ce qui, dans le domaine des biens mis en garantie pour obtenir du crédit, vaut déjà à la fiducie le surnom de « Reine des sûretés » :
le créancier qui par contrat, devient bénéficiaire d’une fiducie dans laquelle on aura logé des biens en pleine propriété, que le fiduciaire aura mission de remettre audit bénéficiaire si la dette n’est pas correctement honorée, passera avant tout le monde :
- même les créanciers hypothécaires,
- même les titulaires de créances plus anciennes,
- même le liquidateur judiciaire en cas de faillite du constituant !
En matière de solidité des garanties, rien n’égale donc cette application du contrat, qu’en pratique on a vite appelé la fiducie-sûreté.
Celle-ci est déjà connue sous sa désignation, vite émergée également, de fiducie-gestion.
De façon plus poussée dans l’assujettissement du détenteur que d’autres modes de gestion voisins (contrat d’assurance-vie, contrat de société, etc..), elle n’impose au fiduciaire de n’obéir qu’au contrat, et seulement au contrat.
Elle lui assure ainsi une autorité et une indépendance totale à l’égard des tiers :
il n’a de comptes à rendre qu’à l’égard du constituant et du contenu du contrat qui les a liés.
Quitte à joindre à la ronde tripartite un 4ème personnage : le contrôleur, ou tiers de confiance, dont la tâche consistera justement à régulièrement vérifier qu’aucun écart ne s’observe avec la route initialement convenue.
Dispositif ajusté et personnalisable dans tous les détails, rudement utile en présence d’un patrimoine de composition complexe :
- entreprise,
- collection d’art,
- cryptoactifs,
- biens indivis, …
ou en présence d’un groupe familial étranger à ses particularités.
une fiducie-prévoyance, stipulant à l’avance /
- le FUTUR transfert de propriété de tels ou tels actifs dans les mains de tel fiduciaire,
- et qui ne serait activé que dans l’hypothèse conditionnelle où se produirait un accident : décès, ou incapacité juridique.
Allumée en même temps que d’autres mesures anticipées (mandat de protection future, mandat à effet posthume, assurance-décès ou invalidité, etc..), la fiducie-prévoyance déploierait alors d’un seul coup :
- toute la panoplie avec laquelle elle était repliée en sommeil : transfert, feuille de route, conditions d’action du fiduciaire, activation du tiers ou du comité de contrôle, etc..
- pour protéger les intérêts de tel ou tel bénéficiaire : conjoint vulnérable, enfant mineur ou handicapé, fratrie recomposée…
voire le constituant lui-même, qui, tel les pharaons préparant leur au-delà, aurait ainsi tricoté d’avance sa propre gestion tutélaire.
Dans ce contexte, le notaire est appelé impérativement par la loi à rédiger le contrat de fiducie dans plusieurs situations, jugées spécialement sensibles :
- transfert de biens dépendant d’une communauté entre époux,
- transfert de biens indivis,
- transfert de biens immobiliers;
Mais surtout, même en dehors de ces cas précis, il pourra toujours apporter son expertise familiale et patrimoniale, au cœur d’un cercle interprofessionnel de conseil efficace.
Celui-ci regroupera naturellement l’Avocat et/ou l’établissement fiduciaire,
mais aussi l’homme du chiffre, ou de la gestion d’actifs, qui souvent sera désigné comme tiers de confiance.
Un rôle riche, pour un outil puissant, à écrire sur la page blanche que le législateur nous laisse remplir en toute liberté. Pour cela, n’hésitez pas à faire appel à notre pôle spécialisé dans le conseil patrimonial.
Confiance !
