Divorce et vente d'un bien immobilier - aspects fiscaux

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Lors d’une séparation, il est fréquent que le couple soit contraint de vendre un bien immobilier. Quelles sont les conséquences ? Est-il possible de divorce avant de vendre ? Est-il possible de vendre avant de divorcer ?

Voici les choses importantes à savoir.

Le divorce par consentement mutuel – règles civiles

 Les époux qui divorcent par consentement mutuel doivent s’entendre pour régler l’ensemble de leurs intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

La convention de divorce doit porter règlement complet des effets du divorce (article 229-3, 4° du Code civil).

Les époux doivent donc s’accorder sur l’ensemble des conséquences du divorce notamment en établissant un état liquidatif complet de leurs intérêts patrimoniaux comprenant un partage ou prévoyant le maintien en indivision de leurs biens – c’est-à-dire prévoyant les conséquences du fait de conserver un bien ensemble, jusqu’à sa vente le cas échéant.

Conséquences fiscales

 En cas de partage de biens communs ou indivis, c’est-à-dire lors de la répartition du patrimoine que les époux détiennent ensemble, l’administration fiscale soumet cette opération au droit de partage, au taux de 1,1 % sur l’actif net partagé. Il existe quatre conditions cumulatives pour voir cet impôt appliqué :

  • l’existence d’un acte,
  • l’existence d’une indivision entre les copartageants,
  • la justification de l’indivision,
  • et l’existence d’une véritable opération de partage, c’est-à-dire transformant le droit abstrait et général de chaque copartageant sur la masse commune en un droit de propriété exclusif sur les biens mis dans son lot.

En cas de maintien d’un bien en indivision, le droit de partage n’est donc pas dû. De même, en cas de vente d’un bien immobilier, le partage verbal entre époux du produit de la vente d’un immeuble commun qui intervient avant un divorce par consentement mutuel n’est pas soumis au droit de partage (Réponse ministérielle Valter du 22 janvier 2013).

Oui, mais…

Quand le droit de partage est-il applicable ?

 A bien lire cette réponse ministérielle, il en ressort clairement que la répartition du prix de vente d’un bien immobilier avant le divorce n’entraîne pas l’application de facto du droit de partage. C’est d’ailleurs le cas pour toute vente : le droit de partage n’est pas dû, quel que soit le moment de la vente, lorsque le prix de vente fait l’objet d’une simple répartition amiable et verbale.

Il faut néanmoins mettre cette réponse ministérielle en perspective avec les règles civiles applicables à la liquidation d’un régime matrimonial : toute liquidation anticipée de régime matrimonial est impossible en dehors d’une procédure de divorce (sauf changement de régime matrimonial et application de la procédure qui y est liée), au risque de contrevenir au principe général d’immutabilité des régimes matrimoniaux.

Aussi, deux situations doivent être distinguées :

  • Lorsque les époux sont soumis à un régime séparatiste, le partage verbal du prix de vente éteint l’indivision qui existait entre eux et leurs patrimoines sont alors parfaitement identifiés et séparés. Il n’y a plus lieu d’évoquer ce sujet au moment du divorce et en l’absence d’une telle mention, le droit de partage n’est pas dû ;
  • A contrario, lorsque les époux sont soumis à un régime communautaire, il leur appartient de liquider ce régime matrimonial au moment du divorce. Or, si le bien immobilier a été vendu, les époux disposent de liquidités sur leurs comptes bancaires, lesquels dépendent de la communauté. Le produit de la vente est ainsi intégré aux opérations de liquidation, ce qui a été rappelé par la réponse ministérielle Descoeur du 1er septembre 2020). Par suite, et afin de procéder au « règlement complet des effets du divorce », les actifs du couple doivent être répartis, ce qui conduit à soumettre le prix de vente au droit de partage.

Mais alors, quand dois-je vendre mon bien immobilier ?

Au préalable, il est essentiel de souligner que la réponse à cette question ne peut être fiscale : un bien immobilier se vend lorsque l’on est prêt, lorsqu’un acheteur vous en propose un prix qui vous convient, lorsque vous avez une solution de relogement pour votre famille.

La vente d’un bien immobilier autour d’une situation de séparation a des conséquences fondamentales sur l’équilibre de votre famille : son calendrier ne peut pas dépendre exclusivement de considérations fiscales.

Il faut toutefois connaître les conséquences fiscales pour mieux appréhender les conséquences économiques de cette vente.

Ainsi, si la vente intervient avant le divorce :

  • Si les époux sont mariés sous un régime séparatiste, le droit de partage n’est pas applicable à cette opération ;
  • Si les époux sont mariés sous un régime communautaire, le droit de partage sera dû lors du partage de leurs actifs financiers, lesquels comprendront le prix de vente.

Il est également possible de vendre après avoir divorcé. En pareil cas, il sera nécessaire d’établir une convention d’indivision au moment du divorce, laquelle permettra ainsi de procéder au règlement complet des effets du divorce. Cette convention d’indivision, acte sur mesure, a vocation à régir les relations entre les ex-époux, devenus indivisaires, jusqu’à la vente du bien immobilier (à court ou à long terme, tout est possible).

Dans une telle hypothèse, le droit de partage ne sera pas dû lors de la vente, en l’absence d’acte de partage. Le partage verbal est alors juridiquement possible (puisque postérieur au divorce).

Les limites du partage verbal

Une fois encore, c’est sur le terrain purement juridique que se situe le danger de cette pratique.

En effet, si la répartition des biens n’est actée nulle part, qu’est-ce qui permet de garder la preuve qu’elle a bien eu lieu ?

Qu’est-ce qui pourra empêcher l’un ou l’autre des époux, parfois des années plus tard (parce qu’il refera sa vie et estimera avoir besoin d’argent), de revenir vers son ex-conjoint en prétendant qu’il n’a jamais touché sa part sur tel ou tel poste du patrimoine anciennement commun ? Quel argument et quel justificatif aura l’autre, pour s’en défendre et soutenir que cette répartition, purement verbale et consignée nulle part, avait bien été effectuée ?

Si le prix de vente est réparti conformément aux droits de propriété des indivisaires, le risque est plus limité. Il est toutefois certain que le danger est grand lorsque les indivisaires décident de faire les comptes « entre eux » puis de procéder à une véritable opération de partage verbal du prix.

Sur ce point, lors d’un contentieux récent qui fit grand bruit et au cours duquel l’ex-époux défendeur voulut plaider la prescription, prétendant que, peu importe les preuves, son ex-conjoint était de toute façon trop tardif dans sa demande, la Cour de cassation a répondu de manière implacable : aucune prescription ne peut être acquise, puisque aucun délai n’a couru, le point de départ de celui-ci étant le partage. Or ici, en présence d’un partage verbal, qu’est-ce qui prouve, 20 ou 30 ans plus tard, qu’il a bien eu lieu ?

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