L’acquisition d’un local (logement ou autre) en démembrement de propriété est une stratégie patrimoniale de plus en plus souvent recherchée par les personnes désireuses d’investir dans l’immobilier, en réduisant leur mise de départ au prix d’un retour sur investissement différé sur le long terme.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Cette opération consiste à n’acquérir (et donc financer) que la nue-propriété d’un bien. L’usufruit (c’est-à-dire les prérogatives liées à l’usage et aux revenus générés par ledit bien) sera simultanément acquis par une autre personne, en général une personne morale de type bailleur institutionnel, pour une durée déterminée et fixée d’avance.
Pendant ladite période, l’acquéreur de la nue-propriété ne jouit aucunement du bien (qui ne lui coûte rien non plus en termes de charges ou d’entretien) : cette jouissance revient uniquement à l’usufruitier (charge à lui d’assumer tous les frais courant occasionnés par le bien).
A la date d’expiration de cet usufruit, conventionnellement encadrée d’avance, l’usufruit s’éteint de manière automatique et sans formalité, sans aucune nécessité de mutation envers l’acquéreur de la nue-propriété. En effet, il était déjà propriétaire, et supportait seulement une contrainte liée à la privation des ressources pendant un certain temps, qui cesse instantanément à cette date.
Mais quelle est la rentabilité réelle de ce type d’opération ?
Une acquisition à prix réduit
Revenons un instant sur le mécanisme employé. Il consiste pour l’investisseur à n’acheter que la nue-propriété du bien, l’usufruit étant laissé à un tiers. Au terme de la période de démembrement convenue (le plus souvent de 12 à 20 ans), le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du bien. Il peut alors l’occuper, le louer ou le vendre.
Pour acquérir la nue-propriété, l’investisseur acquitte un prix qui ne correspond qu’à une fraction de la valeur totale du bien : celle-ci dépend de nombreux facteurs économiques, attachés à la rentabilité potentielle du bien. En général, cette valeur de nue-propriété se situe autour de 60% du prix normal au m², pour 15 ans de démembrement ; à peine 50% pour 20 ans.
Un gain mécanique et une fiscalité allégée
A la fin du démembrement, l’investisseur devient donc pleinement propriétaire d’un bien qu’il n’a payé que 50% ou 60% de son prix. Mieux encore, le fait de récupérer l’usufruit n’est pas considéré comme une plus-value sur le plan fiscal. Il n’y a donc ici aucune taxation.
L’imposition au titre de la plus-value n’intervient que si le bien est revendu à un prix supérieur à sa pleine valeur d’origine. Et la plus-value est alors calculée en prenant comme prix de revient, la valeur initiale du bien en pleine propriété.
Imaginons un bien valant 300.000 euros. Un particulier achète la nue-propriété pour 180.000 €. Quinze ans plus tard, il devient pleinement propriétaire. S’il revend le bien pour 300.000 €, il encaisse un gain de 120.000 € et ne supporte aucune taxation. S’il le revend pour 320.000 €, son gain est de 140.000 € mais il n’est taxé que sur 20.000 € de plus-value.
Des rendements intéressants
Reprenons l’exemple précédent, en le simplifiant encore avec une valeur initiale du bien acquis à 100.000 €, pour clarifier le raisonnement
En revendant le bien à sa valeur d’origine (100.000 euros), l’investisseur empoche un gain de 40.000 euros pour une mise de 60.000 euros. Sur une durée de 15 ans, cela correspond à un rendement annuel moyen de 3,46%. Pour être précis, il faut aussi tenir compte des frais d’acquisition, ce qui porte l’investissement à 65.600 euros et ramène le rendement à 2,85%.
En tenant compte de l’ensemble des paramètres (investissement, durée, frais, taxation éventuelle de la plus-value à la sortie), voyons le rendement annuel moyen de ce type d’opération en fonction du prix de revente à la sortie.
Le tableau ci-dessous montre par exemple qu’en cas de revente du bien avec une plus-value de 20%, le rendement annuel moyen du nu-propriétaire ressort à 3,87% que le démembrement soit sur 15 ans ou 20 ans.
Tableau de rendement potentiel
Données nettes de fiscalité et frais inclus (taux en vigueur 2016) | ||||
Démembrement sur 15 ans | Démembrement sur 20 ans | |||
Plus-value ou moins-value à la revente du bien | Gain total | Rendement annuel moyen | Gain total | Rendement annuel moyen |
-10% | 37,2% | 2,13% | 63,9% | 2,50% |
0% | 52,4% | 2,85% | 82,1% | 3,04% |
+10% | 64,5% | 3,38% | 97,9% | 3,47% |
+20% | 76,7% | 3,87% | 113,6% | 3,87% |
+30% | 88,8% | 4,33% | 119,4% | 4,24% |
+40% | 100,9% | 4,76% | 145,1% | 4,59% |
+50% | 113% | 5,17% | 160,9% | 4,91% |
La rentabilité dépend donc essentiellement des conditions de revente du bien.
Mais comme le montre ce tableau, l’opération peut rester rentable même en cas de revente avec une moins-value : pour un bien cédé avec une décote de 10% au bout de 20 ans, l’investissement en nue-propriété génère encore 2,5% de rendement annuel net… Soit autant qu’une bonne assurance-vie en euros, et sans plus de tracas de gestion.
Les SCPI aussi
L’investissement en nue-propriété nécessite d’avoir une certaine aisance financière du fait des sommes à engager et de l’absence de retour pendant la période de démembrement.
Toutefois, il est aussi possible de mettre à profit le démembrement en passant par l’acquisition de parts de SCPI ou OPCI. C’est ce que l’on appelle la « pierre-papier ». Ce sont des titres de sociétés qui elles-mêmes investissent dans le secteur immobilier, voire de plus en plus dans des secteurs spécialisés de l’immobilier : EHPAD, résidences étudiantes, locaux commerciaux, surfaces tertiaires, actifs situés à l’étranger, etc…
Des frais de gestion et d’intermédiaires sont alors à assumer par le nu-propriétaire, et la liquidité du marché de la revente n’est pas la même. Mais l’accès initial à l’investissement est nettement facilité, puisque le ticket d’entrée pour un volume choisi de titres sera beaucoup plus abordable que le fait de devoir s’aligner sur les prix du marché immobilier en fonction du nombre de m² d’un local.
Mécaniquement, ceci peut contribuer à laisser un volant d’épargne disponible, et ainsi favoriser une politique de diversification en la consacrant à d’autres sujets (assurance-vie, etc…)
Comptabilité avec d’autres stratégies simultanées
L’investisseur qui tablera ainsi sur un accroissement mécanique de son patrimoine, grâce à l’entrée un jour dans le périmètre de celui-ci, de la jouissance future du bien, peut avoir le nez, en voyant « le coup d’après », d’anticiper également les conséquences fiscales potentielles de la transmission d’un patrimoine ainsi voué à s’accroître.
Ainsi, puisqu’il est propriétaire, rien ne l’empêche d’envisager, même juste après l’achat, de consentir à ses enfants ou petits-enfants une donation de cette nue-propriété. La valorisation sera effectuée comme dit plus haut, aboutissant de ce fait à des assiettes parfois plus réduite (donc moins coûteuse à donner) que ce qu’aurait chiffré l’application du barème fiscal de l’usufruit, normalement applicable quand le démembrement résulte de la donation (ce qui n’est pas ici le cas, le démembrement étant antérieur).
En revanche, des conventions précises seront à bâtir de manière détaillées au sein de l’acte de donation:
- pour assurer la reprise par les donataires des engagements qui peuvent exister avec l’usufruitier actuel (le bailleur institutionnel titulaire de la jouissance pour une durée fixe),
- mais aussi et surtout afin d’assurer, lorsque telle sera la volonté du donateur, un usufruit futur numéro 2, une fois qu’aura pris fin celui en cours à durée fixe. Ce second usufruit s’ouvrira automatiquement (et toujours sans aucun frais de mutation) sur sa propre tête, pour sa vie durant. Il pourra ainsi jouir des prérogatives de son bien, en étant serein sur le fait qu’à son décès, ses proches n’auront pas de droits de succession à craindre sur ce patrimoine patiemment valorisé.
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